Trop souvent et trop longtemps considéré comme un intellectuel de bureau,
éloigné de la tribune, Isocrate mérite très certainement une étude renouvelée,
tant sa pensée politique s'est affirmée, avec force souvent et avec subtilité
à l'occasion. Maître de rhétorique, d'abord proche des sophistes, Isocrate
a, durant sa très longue vie (436-338), assisté à nombre d'événements
qui devaient altérer ou réformer la démocratie athénienne (guerre du
Péloponnèse, dissolution de la ligue de Délos en 404/3 et création de la
seconde Confédération maritime en 378, guerre des Alliés en 357-355 et
ascension de Philippe II de Macédoine dans ces mêmes années 350). Bien
présents dans les discours et les lettres du rhéteur, tous ces faits s'ordonnent
en fonction de la question sans cesse posée de l'hégémonie athénienne.
Pour Isocrate, sa cité aspire légitimement à l'hégémonie, à la prééminence
en Grèce, face aux prétentions de Thèbes et surtout de Sparte ; et lorsque
les rapports de force deviennent franchement défavorables à Athènes, dans
les années 360-350, il envisage une autre forme d'hégémonie, distincte de
l'archè. Le vocabulaire de la domination militaire et politique laisse alors la
place à un registre plus politique et culturel. C'est ce glissement sémantique
qu'analyse le présent ouvrage, ponctué par une traduction nouvelle du Sur
la Paix (356/355).
We mistakenly use to see Isocrates as a bookworm, a man reluctant to speak
in public, but he actually deserves a new insight as far as he was asserting his
political thought with strength and a good sense of touch. Previously close
to the sophists, the teacher of rhetoric lived long enough (436-338) to be a
witness of so many events likely to alter of amend the Athenian democracy
(Peloponnesian War, dissolution of the Delian League in 404/3 and the
creation of the Second Athenian League in 378, the Allies' War in 357-355
and the rise of Phillip II in Macedonia in the 350'). Isocrates reported those
facts along all his discourses and letters, and he organized them according to
the continuous matter of the Athenian hegemony. Isocrates thought that the
hegemony of his own city and the superiority in Greece in front of claims of
Thebes or Sparta, were legitimate. Moreover, as soon as Athens was weaker
than those cities, around 360'-350', Isocrates began to look at another kind
of hegemony, different from the arche. In his works, it is no longer question
of military or political domination, but of a cultural one. This semantic
sliding of the word hegemony is the focus of this study, which offers a new
translation of the On the Peace (356/355).