En négligeant ses poèmes, la postérité de Jean Cocteau ne respecte pas la hiérarchie qu'il a lui-même établie pour ordonner son ouvre polymorphe. Investie par lui du pouvoir suprême, la poésie ne battait-elle pas le rappel des autres genres sous le pavillon de son nom : poésie de théâtre, poésie de roman, poésie critique, poésie graphique, poésie cinématographique ?
Ce livre n'entend pourtant pas restaurer une souveraineté qui tient sa légitimité de l'appréciation strictement personnelle de l'auteur, mais envisager pour la première fois l'ensemble de ses écrits poétiques, et en interroger la disparité apparente. Car, à cette échelle aussi, la variété stupéfie. Elle passerait pour un exercice futile de virtuosité si la mise à l'étude des textes - de leurs rythmes, de leur langue, de leurs structures - ne révélait la continuité et l'assurance d'une démarche artistique. Toujours en quête du grave dans l'aigu, le chant qui s'élève de cette poésie procède, suivant des principes esthétiques stables, à des variations sur le thème de la création elle-même. Venue des profondeurs de l'être, couvrant toute la gamme des possibilités expressives, la voix de Jean Cocteau finit par s'imposer, loin du tapage qui environna sa vie, dans le concert des poètes du siècle.