L'Éternité pliée
Tome I, 1973-1975
Le Journal d'Henri Heinemann, dont nous entreprenons la publication, chez Orizons, sous le nom générique, L'Éternité pliée, est, par excellence, un document littéraire : il en a la sensibilité et, souvent, la beauté. Des fragments de ce gigantesque ensemble ont été publiés ; nous avons décidé d'en donner l'intégralité. Au vingtième siècle, de multiples entreprises de ce type ont été menées à leur terme : on songe à Gide, bien sûr, à Martin du Gard, à Julien Green, à Claudel. Plus près de nous, Renaud Camus a offert à ce type d'écrit le meilleur de ses livres.
Heinemann nous dit pourquoi il en a ouvert la première page, en 1973. Il avait alors quarante-six ans. Il le publie en sa quatre-vingtième année. Du mitan au vieillissement, il y décline un magnifique don d'observation et d'analyse. Enseignant, il est près de ses élèves et il en dresse quelques portraits qu'on n'oublie pas ; poète, il reconstitue des paysages d'une plume somptueuse et jamais avare de sensualité. Du romancier, il tire l'élégance et la distance pour aimer, juger, reconsidérer ses contemporains. Grand lecteur, il nous livre ses goûts. Des hommes, des femmes, illustres ou inconnus, traversent son existence. Cependant l'essentiel de cette matière est fait de l'amour qu'il porte aux livres ; l'acte d'écrire et la réflexion que cela lui inspire sont le battement de ces milliers de pages.
Voici donc le dit d'un honnête homme : on y voit passer les gens de France et du monde, dignitaires, quidams, tutti quanti. Si près de nous et si loin déjà - des années 70 à nos jours ; en ce sens, c'est un opus complet.
Claude Martin, l'un des éminents spécialistes d'André Gide, emploie, dans sa préface, le mot de « monument » à propos de L'Éternité pliée.