"Julia avait toujours peur de me perdre. Quand nous
avions dix ans, elle m'avait planté une aiguille dans
le bras parce que je lui avais parlé de Sophie, une fille
de ma classe qui m'avait invitée à venir voir son aquarium
tropical.
À quinze ans, elle m'avait écrit une lettre mélodramatique,
qu'elle avait signée de gouttes de sang séché,
juste parce que j'allais quelquefois dormir chez Yukiko,
une petite Japonaise neurasthénique. À dix-sept ans, elle
m'avait avoué qu'elle pensait souvent à ma mort. Le soir
dans son lit, elle visualisait tous les détails de mon
enterrement, le corbillard, le cercueil, sa robe à elle, en
dentelle noire, et la poignée de terre qu'elle jetait dans
la tombe. Enroulée dans son drap, elle sanglotait, en
proie à une exaltation terrifiante."