"Tu as fermé à clef, mais à quoi bon ?
Ils vont venir voler ton Teppaz, piétiner tes Gershwin,
pisser sur ton lit.
À ce moment, tu les détestes. Ils sont joyeux et tu voudrais
pleurer. Crier. Vomir. Mais tu traverses, imperturbable,
les rumeurs de musique arabe, les youyous, les klaxons.
Demain, l'indépendance. Ils ont déjà les drapeaux. Tu marches
plus vite.
Une rafale de mitraillette... La ville continue de parler dans
ton dos. Tu ne t'es pas retourné. Toi, tu aurais voulu partir
en éteignant la lumière... Laisser l'Algérie dans le noir.
Le noir pour l'éternité."
Pour dire le déracinement, les illusions, les craintes,
les blessures d'un homme arraché à sa terre natale,
Anne Sibran donne une âme aux mots.
Pour dire aussi l'amour d'un père et d'une fille.
Tout en retenue, loin de son humour parfois
mordant, optant pour une narration graphique sobre
et impeccable, soulignée par des couleurs franches
et expressives, Didier Tronchet nous surprend et
nous émeut. À y regarder de près, ce qu'elle mérite,
Là-bas est une oeuvre magnifique.