Les interventions des lycéens dans l'espace public sont souvent déconcertantes. Très soucieux du respect de leurs droits, ils semblent cependant réticents à s'engager totalement dans les dispositifs offerts par les adultes ou dans les mouvements dont ils prennent parfois l'initiative. Mais plutôt que de n'y voir qu'inconséquence de leur part, il serait souhaitable de revisirer les grilles de lecture ordinairement appliquées à leurs actions. "L'adultocentrisme" dont sont souvent affectées ces dernières fait en effet obstacle à la reconnaissance de modes de socialisation spécifiques à l'œuvre dans l'expérience lycéenne.
La recherche dont cet ouvrage est le fruit s'est efforcée de s'en tenir aux raisons invoquées par les lycéens eux-mêmes lorsqu'ils rendent compte de leurs rapports aux normes héritées ou construites. Pour s'orienter au milieu des multiples incertitudes engendrées par la scolarisation de masse, ils semblent ainsi s'appuyer sur un rapport privilégié aux pairs d'âge, véritable boussole des années-lycée.
Les jeunes contribuent alors à définir un "autre lycée" différent certes de ce que les adultes souhaitent en faire, mais vraisemblablement plus pacifié que ne pourrait le laisser craindre la cohabitation, dans son enceinte, de lycéens aux trajectoires désormais si hétérogènes.
Ils construisent ainsi comme une Cité invisible, faite de liens sociaux ténus tissés dans les creux de l'institution, mais aussi de principes universels à l'échelle de l'humanité. Tenter de l'explorer paraît nécessaire pour qui souhaite aider cette génération, maintenue à l'école dans une situation d'enfance prolongée, à exercer les droits comme à remplir les obligations d'une vie citoyenne.