Droit systèmes
La théorie de la décentralisation sur laquelle nous nous fondons habituellement est typiquement une vision « top down », une théorie instrumentale. Imprégnée d'une passion antifédéraliste datant de la Révolution, elle se refuse à consentir à la décentralisation une signification politique : elle ne veut toujours y voir qu'un mode d'aménagement de l'appareil administratif. La pauvreté du cadre constitutionnel en découle directement.
Notre théorie usuelle de la décentralisation est en second lieu profondément inspirée par une conception moniste de l'intérêt général, qui lui interdit d'admettre véritablement que celui-ci ait d'autre lieu de définition et de mise en oeuvre que l'État. Les incohérence du contrôle de légalité, entre autres, en témoignent.
Elle est en troisième lieu articulée sur une vision unitariste du système juridique, tributaire de la mystique de l'égalité dont notre droit public est globalement porteur, qui la place en porte-à-faux avec les réalités mêmes de la décentralisation.
Au fond, certains éléments du socle de notre droit public sont carrément peu compatibles avec l'idée même de décentralisation, en tous les cas difficiles à concilier intellectuellement avec elle sans pratiquer quelques grands écarts. C'est probablement à cette gymnastique-là que se livre notre droit actuel. Car des efforts assez importants dans le sens de la décentralisation ont bien été faits dans les années 1980 et tout dernièrement. Mais en même temps, les réticences du système se font sentir, les craquements conceptuels se font entendre.
Dans sa logique d'entre-deux, dans sa configuration assez peu avenante et contournée, la réforme de 2003 témoigne bien de nos hésitations collectives face à la décentralisation.