«outes les portes sont grandes ouvertes, et, de la rue, on aperçoit l'antichambre décorée de peintures vertes représentant des paysages suisses et l'escalier roide aboutissant à un couloir étroit, éclairés par la lumière aveuglante d'une lampe à réflecteur. Jusqu'à l'aube, des centaines et des milliers d'hommes montent et descendent le long de ces marches. Tous y passent : petits vieux gâteux à la recherche d'excitations artificielles, cadets et lycéens, presque des enfants, pères de famille barbus, vénérables piliers de la société aux lunettes d'or, jeunes mariés, fiancés épris, professeurs respectables aux noms connus, voleurs, assassins, avocats pleins de libéralisme, pédagogues, écrivains, limiers, espions, forçats, évadés, officiers, étudiants, socialistes, anarchistes, patriotes vendus...»
Nous sommes à la Fosse, quartier des prostituées d'une ville russe, au début du XXe siècle. Parmi cette foule de visages et de caractères, on découvre Liouba, jeune femme simple et discrète, qu'un étudiant tente de sauver de sa condition en la retirant de la maison publique, et Jénia, qui, se sachant malade, décide de contaminer tous ses clients. A travers ces deux personnages aux destins tragiques, Alexandre Kouprine dépeint, dans un style direct et sans ambages, la vie quotidienne des «filles» et de leurs habitués, dans le décor pittoresque des bas-fonds de la Russie impériale.