Dans son Histoire du cabinet de Napoléon Bonaparte, publiée à Londres en
1814, Lewis Goldsmith écrivait : «La gendarmerie est la terreur de la France.
Dans toutes les villes, dans les villages qui ont cinquante maisons, il y a des gendarmes.
On est sûr de trouver un gendarme dans toutes les auberges. Il n'y a rien
qu'un Français redoute comme la vue d'un gendarme.»
Bien qu'émanant d'un farouche opposant au régime impérial, le propos est
révélateur de l'omniprésence de la gendarmerie dans les villes et les campagnes
au début du XIXe siècle. Chargé depuis la fin du Moyen Âge du maintien de
l'ordre et de l'exécution des lois, ce corps était devenu sous la Révolution le véritable
bras armé de l'État républicain. Au moment de prendre le pouvoir,
Bonaparte hérita d'une force publique dont le statut militaire, l'organisation hiérarchique
et l'implantation territoriale faisaient un élément essentiel du rétablissement
de la sécurité intérieure, si nécessaire à la consolidation du nouveau
régime.
Conscient de la valeur et de l'utilité de cette institution, le Premier consul -
devenu l'empereur Napoléon - lui décerna bientôt tous les honneurs : en la plaçant
pour la première fois de son histoire sous l'autorité d'un véritable chef, en
augmentant ses effectifs, en l'associant à la gloire de ses armées et en lui confiant
des missions aussi essentielles que la lutte contre les brigands, les insoumis et les
adversaires politiques du régime, il allait faire de la gendarmerie la véritable
troupe d'élite de l'armée impériale.