"Buster Keaton employait quatre gagmen, Harold Lloyd, pas moins
de dix. Ils étaient payés autant que les réalisateurs. Et nombre
d'entre eux firent de la mise en scène par la suite. Souvent, ils
accompagnaient les équipes de tournage en extérieur, et, quand
le tournage s'enlisait, ils lançaient de nouvelles idées et en
développaient des anciennes. Les comédies muettes coûtaient
quelquefois plus cher et prenaient souvent plus de temps de
tournage que les autres longs métrages. Mais, si cette époque
fut connue sous le nom de l'âge d'or de la comédie, elle le doit
sans aucun doute à cette méthode d'improvisation inspirée. (...)
L'aspect peut-être le plus attachant de cette période était l'absence
de conscience historique. Personne ne savait qu'il créait un
âge d'or. Personne, en dehors de Chaplin et de Sennett, n'avait,
jusqu'alors, été acclamé comme un génie. Faire des films était
encore un plaisir. Sur le plateau de Keaton, le sport favori était le
base-ball. Quand il avait besoin de cameramen ou de gagmen, Buster
engageait les gens pour leur capacité éprouvée, non pas dans
l'industrie du cinéma mais sur les terrains de base-ball. S'ils se révélaient
techniciens expérimentés, c'était une simple coïncidence.
Mais la période entière n'était qu'une succession d'accidents
heureux et de coïncidences formidables depuis l'instant où Chaplin
tomba par hasard sur son maquillage immortel de vagabond
jusqu'à la rencontre accidentelle d'Oliver Hardy et de Stan Laurel."