Il peut paraître paradoxal de vouloir aborder des questions esthétiques contemporaines à travers l'étude d'un objet aussi historiquement marqué que la forme perspective. Fortement liée à la tradition picturale, elle répond pour beaucoup à des fonctions de représentation et de composition qui semblent très éloignées des recherches artistiques d'aujourd'hui. De plus, la perspectiva artificialis a été le fruit et le moteur de la première Renaissance et elle motiva de ce fait un nombre considérable d'écrits et de documents. A quoi bon y revenir ?
L'hypothèse qui a été posée ici est double. D'abord, il est possible d'aborder différemment la question perspective pour la placer au centre d'un débat esthétique tenant compte des productions artistiques d'aujourd'hui. Ce sera l'occasion de confronter la philosophie anglo-saxonne à un des objets d'études favoris de la pensée européenne.
Ensuite, les divers usages de la forme perspective ont mis à jour des fonctionnements esthétiques d'autant plus d'actualité que notre regard est plus que jamais perspectiviste. Le triomphe des médias cinématographiques, photographiques et vidéos dans la création contemporaine, la multiplication des supports iconographiques dans notre environnement, la numérisation de la prise de vue et de la diffusion des images, encouragent une étude précise de leur fonctionnement esthétique actuel. La question de la représentation du monde et des manières de le symboliser ne peut être négligée à un moment de l'histoire culturelle où les images sont à tel point omniprésentes. Comme la plupart de ces images issues de nouvelles technologies conservent curieusement une structure formelle traditionnelle, le détour vers le Quattrocento et l'origine des règles perspectives qui font encore lois aujourd'hui, va permettre d'enraciner les possibilités esthétiques nouvelles qui s'ouvrent aux artistes dans une histoire souvent masquée derrière des démonstrations technologiques.