Il ne fait plus doute aujourd’hui que Plutarque de Chéronée (~ 45-125) représente une figure marquante dans l’histoire du platonisme. Les Œuvres morales contiennent plusieurs textes d’une importance capitale pour notre compréhension de la philosophie platonicienne à l’époque impériale. Penseur étonnant, Plutarque n’est toutefois pas uniquement philosophe. Vers 96, il accède à la prêtrise delphique, une fonction hautement honorifique. Cette rencontre entre le philosophe platonicien et le prêtre de Delphes s’est traduite de manière unique dans une série de textes regroupés traditionnellement sous l’appellation de Dialogues pythiques, comprenant Sur l’E de Delphes, Sur les oracles de la Pythie et Sur la disparition des oracles. Le présent ouvrage tente une analyse de ces Dialogues pythiques qui met à l’avant-plan le caractère logique autant que pythique des textes. Chacun des dialogues étudiés se présente en effet comme une recherche commune sur une réalité delphique. Cette recherche n’est pourtant pas d’ordre religieux et l’argumentaire déployé par Plutarque fait appel à des thèmes spécifiquement platoniciens. Il s’agit là d’une caractéristique centrale des Dialogues pythiques qui proposent une synthèse inédite entre le lieu de Delphes et le discours platonicien. Le contexte delphique permet à Plutarque de se questionner sur les dieux et les humains, ainsi que sur les figures intermédiaires qui se situent entre leurs deux univers et qui rendent possible la divination, expression par excellence de la providence divine. Cheminant dans le sanctuaire autant que dans l’argumentaire, le lecteur voit Plutarque en constant dialogue avec les doctrines rivales de l’épicurisme et du stoïcisme. Il découvre alors des textes où la philosophie permet une défense du sanctuaire et où le lieu de Delphes devient lui-même propice à l’étude, au dialogue, bref à la philosophie. Grâce aux Dialogues pythiques, le sanctuaire de Delphes n’est plus uniquement le centre du monde, il est aussi le centre d’une véritable sagesse philosophique.