La photographie au risque de l'extériorité
Une épreuve de l'autre
La spécificité de la photographie trouve sa source dans l'extériorité. Elle se révèle maladroite, voire impuissante, à exprimer quelque chose de la singularité d'une personne, à révéler l'atmosphère d'une ville ou à dépasser les apparences d'un objet. Cet échec corrélatif du médium pourrait être sa chance, car que deviendrait l'objet - ou le sujet photographié - si la photographie était un moyen de s'en saisir et de s'emparer de lui ? Comment penser ce qui est photographié, dans sa différence, si la photographie le ramenait au même, c'est-à-dire à soi et à l'identique ? Qu'adviendrait-il enfin de l'extérieur si ce dernier n'était qu'un prétexte à la réalisation d'une photographie de soi-même ?
Si le médium photographique peut s'avérer efficace à combler un désir de connaissance, s'il est apparemment possible, avec lui, de s'affranchir de la distance qui sépare le photographe du monde, l'extériorité fait surgir l'infranchissable et ce qui est irrémédiablement insaisissable au coeur de la photographie. Elle introduit un paradoxe dans la relation que le médium entretient avec le dehors, mêlant l'impossible au possible, l'échec à la tentative, etc.
À partir d'oeuvres d'artistes contemporains (d'Agata, Engström, Pataut, Bazin, Guibert) et de ses propres travaux photographiques, Gilles Picarel part à la recherche d'une possible extériorité à l'oeuvre dans la photographie. Au bout de ce chemin se profile une nouvelle esthétique de la photographie.