Le Pen disait «on me bâillonne», Bayrou dit «on ne
m'écoute pas», saisissant au plus près le désarroi d'une
société non pas intolérante, comme voudrait le faire croire
le président du Front national, mais indifférente. Captant
et incarnant ce sentiment jusque dans son parcours
personnel, l'étendant de quelques catégories ciblées
(professeurs, médecins) à l'ensemble du corps social,
Bayrou accomplit un véritable tour de force sociologique
et politique. En formulant la détresse de tous, il donne ce
que tous réclament : de la reconnaissance. Sarkozy est un
leader mais ne représente que lui-même. Bayrou n'est
pas un leader, mais il représente. Il offre un monde
commun. «Personne ne me demande mon avis», c'est
son «je vous ai compris». Son discours est le lieu d'une
restauration des hiérarchies, des rangs, de la «distinction»
dont la société française reste au fond nostalgique.
C'est en réalité sur ce terrain qu'il situe sa différence.