«Il faut renoncer à cette idée que le pathétique forme un royaume inférieur. Il faut renoncer à cette idée que la passion soit trouble (ou obscure) et que la raison soit claire, que la passion soit confuse et que la raison soit distincte», disait Péguy. Les liens que la rhétorique entretient avec les passions semblent le confirmer : pour elle aussi, les passions sont claires comme l'eau de la fontaine, et son principal office consiste à les émouvoir.
Cet essai se propose de réexaminer le rôle attribué à la visée movere dans la théorie du discours persuasif, de la logique des passions dessinée par Aristote à la passion du discours qui enflamme Cicéron. L'analyse des affections qui perturbent l'équilibre de l'âme, et livrent l'auditeur à la merci de l'orateur, a des incidences sur la poétique des siècles classiques, lorsque les «genres d'écrire» se donnent pour but d'émouvoir, sur l'écriture et la lecture de la poésie.
L'écrivain ne renonce pas à séduire, quand bien même il feint de vouloir déplaire : l'entreprise de séduction se trouve précisément au cœur de l'exercice oratoire. La rhétorique interroge la parole vive dans sa relation au désir.