Très tôt, au cours de la guerre d'Algérie, des révélations firent connaître
à l'opinion publique métropolitaine certains détails de l'usage de la
torture par l'armée française. Les «opérations de maintien de l'ordre»
dépendaient des autorités civiles mais leur réalisation fut laissée de
plus en plus largement à l'appréciation de l'armée au fur et à mesure
que l'insurrection nationaliste gagnait du terrain.
Des débats passionnés mirent aux prises intellectuels et journalistes,
hommes d'Église et hommes d'armée, avocats et écrivains. D'anciens
soldats témoignèrent ; des victimes aussi : personne ne pouvait ignorer
qu'en Algérie des militaires français pratiquaient la torture.
Il fallait aller au plus près du terrain pour comprendre pourquoi, en
définitive, tant de militaires français purent pendant plus de sept ans
commettre des exécutions sommaires et des actes de torture et le
faire avec l'assurance qu'obéissant à des ordres ils étaient ainsi au
service de leur pays.
Raphaëlle Branche éclaire comme jamais auparavant les mécanismes
de la torture : si la référence à la période de l'occupation allemande
était alors omniprésente, ils trouvent leur origine dans le racisme colonial
et les méthodes héritées de la guerre d'Indochine.