Qu'en est-il du lien entre le discours philosophique de Levinas et les sources «théologiques» de sa pensée ? D'emblée, le terme «théologique» pose une difficulté car, précisément, Levinas n'élabore pas de théologie et les sources hébraïques de sa pensée - Torah, Talmud et certains maîtres de la tradition juive - ne sont pas, à proprement parler, «théologiques». Dans La Trace de l'infini, il s'agit de suivre comment l'attention à la source hébraïque de la pensée permet au philosophe de retrouver une couche de pensée largement occultée par la construction théologique, chrétienne pour l'essentiel.
Levinas ne propose pas de discours sur Dieu, même si l'idée de Dieu est insistante dans son œuvre, et il convient de réfléchir à cette idée en se demandant si elle donne à entendre la voix du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, ou si elle ne fraie la voie - fût-elle nouvelle - qu'au Dieu des philosophes. Les thèmes principaux qui sont abordés portent sur la création, sur la prophétie pensée comme «psychisme même de l'âme», et aussi sur l'eschatologie et la pensée du temps, sur la sainteté et sur l'épreuve de l'absence de Dieu. Cependant, comme le titre l'indique, l'axe majeur de la réflexion provient de l'idée de trace comme orientation d'espérance au plus secret de cette pensée marquée, pourtant, par la Catastrophe.