Comment, lorsqu'on évoque Paris, comprendre le paradoxe entre la forte présence imaginaire de la Seine et la relative indifférence des Parisiens d'aujourd'hui à l'égard de ses berges ? Mettant en lumière l'étonnante diversité des rôles du fleuve dans la ville du XVIIIe siècle, Isabelle Backouche montre à quel point la Seine a longtemps été stratégique, tant pour les hommes que pour les pouvoirs. Tout à la fois espace partagé, espace contesté et espace remodelé, le fleuve a ainsi pesé d'un poids déterminant dans le façonnement de la vie urbaine.
Cependant, au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, la Seine s'écarte de cette vocation pour devenir une voie de navigation nationale de plus en plus étrangère à la capitale, un fleuve monumental et désincarné. Ce nouveau destin puise ses formes et ses représentations dans le siècle des Lumières. De la ville ancienne à la ville contemporaine, le fleuve a eu sa chronologie singulière, bien éloignée des rythmes, historiographiquement plus conventionnels, d'une mutation parisienne scandée par l'haussmannisation.
Sensible à la diversité des acteurs et des intérêts qui les animent, cette histoire de la rupture entre la Seine et Paris nous fait voir combien importe la solidarité entre les usages, les représentations et les aménagements d'un territoire. La Seine offre ainsi un fécond terrain d'expérimentation pour comprendre le devenir urbain et les relations mouvantes de l'homme et de la ville.