Histoire de l'industrie sucrière en Guadeloupe aux XIXe et XXe siècles
La transition post-esclavagiste 1848-1883
Le tiers de siècle qui suit l'Abolition constitue le tournant majeur de l'histoire des Antilles. Après l'esclavage lui-même, dont le maintien bloquait jusqu'alors toute possibilité de modernisation, toutes les structures économiques et sociales qui lui étaient liées sont détruites à leur tour, et un monde nouveau émerge progressivement. C'est la transition post-esclavagiste.
Le coeur même de la transition antillaise réside dans le passage de l'esclavage au salariat. Après l'échec de leur tentative de maintenir par la force les affranchis sur les habitations, dans le cadre de « l'organisation du travail », les planteurs se tournent vers l'immigration pour se procurer la main-d'oeuvre dont ils ont besoin. De 1854 à 1889, près de 50 000 immigrants, dont 43 000 Indiens, sont introduits en Guadeloupe ; ils jouent un rôle majeur dans la croissance de la production sucrière.
Dans le même temps, toutes les structures de l'activité se modifient. La concurrence croissante du sucre de betterave et l'instauration du libre-échange en Europe obligent les producteurs coloniaux à moderniser leur fabrication, tandis que la création d'un véritable système bancaire leur procure les moyens de le faire. En un peu moins d'un demi-siècle, les quelque 500 anciennes habitations-sucreries « du père Labat » sont éliminées et remplacées par une vingtaine de grandes usines centrales produisant deux fois plus de sucre qu'elles. C'est la révolution industrielle aux Antilles.