Depuis une petite vingtaine d'années, je sévis en
dernière page de Libération. J'y écris des portraits personnels
de personnages singuliers, connus ou inconnus.
Mais, j'ai beau faire, j'ai beau dire, on me parle en
priorité de mes portraits d'actrices. Les hommes hésitent entre
envie goguenarde et ricanements égrillards. Les femmes
scrutent à la loupe emballements et atermoiements.
Il y a quelque temps, fatigué d'être résumé à cette
activité pulsionnelle, pour ne pas dire libidineuse, las d'être
réduit à ce que certaines bonnes camarades appelaient
mes «papiers hormonaux», j'ai décidé d'arrêter. Fini,
terminé. Promis, juré, je ne signerais plus le portrait
d'une seule fille de pellicule. J'ai tenu parole une bonne
année. Personne n'a rien remarqué. Et chacun me parlait
encore et toujours de ces portraits de comédiennes et de
mannequins que je n'écrivais plus. Je m'y suis donc remis.
Et voilà comment les caricatures ont la vie sauve,
comment elles ont la vie dure.
Et voilà pourquoi il faut bien accepter d'en livrer les
pièces à conviction.
Qui lira, verra...