Présente dans la création plastique, la littérature, les arts du spectacle, au cinéma ou en musique, la question d'ailleurs rend possible une histoire confluente des arts. Elle permet de nouer le passé et le présent et d'intégrer dans des classes elles-mêmes diversifiées à la fois des exemples issus des arts non occidentaux et des formes créatives qui ne sont pas réputées académiques.
Mais qu'est-ce que l'ailleurs ? Il conviendrait plutôt de parler « des » ailleurs, le pluriel rendant compte des formes diverses d'altérité contenues dans ce mot. Si l'ailleurs de l'art peut être, d'évidence, un exotisme, il lui arrive aussi de se dissimuler sous d'autres formes : recherche d'une époque révolue, traversant des âges antérieurs et les reconstruisant idéalement ; quête d'une spontanéité que les canons esthétiques enseignés ont fait perdre, et que l'on peut croire trouver dans l'art brut, dans les productions des enfants ou dans l'art asilaire.
Questionner l'acculturation des arts exotiques permet également d'aborder l'histoire des musées et plus généralement la question de la réception : quelles ont été les conditions de l'exposition des oeuvres venues d'ailleurs et comment ont-elles été non seulement collectionnées, mais aussi imitées, citées ou reprises avec de grandes variations, dans l'art de l'Occident ?
L'ailleurs ne serait-il pourtant pas une réalité en voie de disparition : les pays émergents n'imposent-ils pas leur propre culture ? Dans une économie artistique mondialisée, ne voit-on pas triompher un métissage et une hybridation qui restent à interroger ? Enfin, les terres découvertes par la psychanalyse, celles explorées par les adeptes de l'art brut, de la création par le hasard ou l'usage de psychotropes, tout cela n'est-il pas désormais champs rebattus ?
Faudrait-il conclure que l'altérité d'un âge nouveau résiderait dans le retour à la tradition ? Ou maintenir qu'il demeure, encore et malgré tout, des voies nouvelles où s'engager ?