« On connaît l'histoire de la Pomme, depuis que notre mère Ève entreprit d'y mordre jusqu'au rapt du bouvier Hercule dans le Jardin ; puis le don que Pâris en fit à l'une des trois déesses, ou celui de la fée, en récompense, aux grands quêteurs celtiques ; puis la couronne mortelle du fils de Guillaume Tell, et la masse physique qui tombe de l'arbre à terre sous les yeux dessillés de Newton ; puis, derniers avatars, la pomme que le physicien nucléaire et Picasso le peintre déchirent à belles dents pour qu'apparaissent en pleine lumière les électrons qui la composent ou les « pépins » de la réalité.
Une évolution différente, ma vie, présente plus d'une analogie avec l'histoire du fruit d'or. S'y retrouve, le désir forcené de mordre, la capture, le choix entre les déesses, ou l'espoir d'un profit toujours immérité, le vain courage, la révélation des lois et la déception finale de découvrir de quoi la pomme est faite.
C'est cette histoire, de l'humanité, de moi-même et de la Pomme, qu'une fois de plus, je vais tenter de dire. Mais en la remontant, en quelque sorte, du néant où je suis, où nous sommes parvenus, jusqu'à l'Éden qui fut et peut être de nouveau.
Acceptant de me décompter plutôt que de me raconter, de me démembrer plutôt que de me prétendre, de refuser le choix pour continuer la quête, et quelquefois la quête pour replacer en son verger le fruit d'or que le Bouvier y prit. »
Jean-Charles Pichon