Au cinéma, le téléphone pour ainsi dire crève l'écran. Comme en témoigne la prolifération des exemples de scènes de téléphone qui survient dès lors que l'on plonge dans ses souvenirs de spectateur : nous voyons des téléphones partout - dans le cinéma parlant, dans le cinéma muet - qui englobent tous les genres imaginables, du burlesque au cinéma de complot, de la comédie romantique au cinéma d'horreur, du film d'action au «drame psychologique». Sans doute cette prise de conscience de la présence si fréquente du téléphone au cinéma est-elle contemporaine de l'importance que cet instrument de communication a désormais dans nos vies quotidiennes. Prise dans une dialectique qui est simple à formuler - une personne entend son interlocuteur sans le voir -, la conversation téléphonique n'a cessé de nourrir les formes cinématographiques et de relancer l'articulation entre ses composantes sur un mode disjonctif : le son et l'image, le visible et l'invisible, l'audible et l'inaudible, le lu et le voir, etc. Aussi, les évolutions technologiques ont toujours entraîné une fascination pour le téléphone chez les réalisateurs de cinéma. De fait, chaque mutation entraîne son lot de fictions téléphoniques, et on ne compte plus le nombre de titres qui renvoient directement à l'appareil, surtout aujourd'hui : Phone Booth, Cellular, The Caller, etc. Il existe indéniablement une cinégénie téléphonique qui est en partie l'objet de ce livre écrit à deux voix, davantage qu'à quatre mains. Ni thématique, ni chronologique, L'Attrait du téléphone se compose plutôt comme une conversation où surgiraient au fur et à mesure un certain nombre de problèmes que le téléphone a posés au cinéma et auxquels le cinéma en retour a donné forme : la manière dont le téléphone appareille le visible ; la façon dont il perturbe notre orientation dans l'espace ; le fait qu'il relance l'usage de l'intertitre à partir du texto. Si le téléphone a tant inspiré le cinéma, en retour le cinéma rend sensibles, sur un mode à la fois documentaire et fabulé

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