« Certains poètes dévorent ou assimilent l'espace ; on dirait qu'ils ont toujours un univers à digérer. D'autres poètes, beaucoup moins nombreux, dévorent le temps. Lautréamont est un des plus gros mangeurs de temps. C'est là, nous le montrerons, le secret de son insatiable violence. Nous voulons, en second lieu, dégager un complexe particulièrement énergique. Et c'est par cette seconde tâche qu'il nous faut commencer, car c'est précisément le développement de ce complexe qui donne à l'oeuvre, dans l'ensemble, son unité et sa vie, dans le détail, sa rapidité et ses vertiges. Quel est donc ce complexe qui nous paraît dispenser à l'oeuvre de Lautréamont toute son énergie ? C'est le complexe de la vie animale ; c'est l'énergie d'agression. De sorte que l'oeuvre de Lautréamont nous apparaît comme une véritable phénoménologie de l'agression. Elle est agression pure, dans le style même où l'on a parlé de poésie pure. »
Gaston Bachelard