Le nouveau roman d’Yvonne Chauffin est le récit dramatique d’une crise conjugale. Si celle-ci se déroule en quelques mois, le narrateur, un homme de quarante-cinq ans, raconte de quelle manière il est conduit au bord de l’abîme. Sa mère, une veuve autoritaire ne désirait pas “qu’il devienne trop vite un homme”. Un grand amour va lui permettre d’atteindre ses dimensions d’adulte. Hélas ! Il se marie au lendemain de Munich. Mobilisé dans l’Est, il ne vivra que quelques semaines avec sa jeune femme, Anne. Enfermé dans son Oflag pendant cinq ans, il s’enfonce dans une désastreuse nuit intérieure. Anne, malgré des épreuves douloureuses (son père et son fils sont tués au cours de l’exode par une bombe), garde au cœur une lumière rayonnante. Après la captivité, Pierre et Anne sont deux dalles, l’une sombre et l’autre claire, qui se joignent... D’autres enfants naissent. Le narrateur ne peut surmonter son désastre initial. Il doit sa situation à un ami à qui il ne pardonne pas les services rendus. La santé ardente de sa femme l’exaspère et il s’irrite des victoires qu’elle remporte sur les êtres et les événements. La ville voisine, Lorient, est le berceau de la famille de Pierre. Celui-ci découvre, grâce aux archives municipales, un royaume où enfin il existe sans dépendre de sa mère ou de sa femme. Ses recherches lui feront connaître Louise Perthuis, aventure sans importance, mais la rencontre d’un ami le sauvera du désespoir et épargnera son foyer. De ce roman se dégagent trois aspects de la foi : celle toute conformiste de Pierre Latour, faite de pratiques et d’interdits, celle d’Anne, toute brûlante et nourrie de l’Écriture, celle réaliste et mystique de l’ami. Les héros du “Carrelage” se sauvent les uns par les autres. La rencontre avec le prochain, c’est le mystère de l’amour de Dieu comme un huitième sacrement : “J’ai cherché mon âme et elle s’est envolée. J’ai cru saisir Dieu, Il m’a échappé. J’ai rencontré le prochain et il m’a rendu l’une et l’autre”, pourrait dire chacun des personnages d’Yvonne Chauffin.

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