Stefan Zweig, d'emblée, a aimé ce livre. Il suggéra son titre
définitif, Le Chevalier d'El Dorado, et intervint auprès de son
éditeur new-yorkais pour qu'une traduction soit faite en langue
anglaise. La publication eut lieu alors même que les États-Unis
entraient en guerre. L'image d'un Conquistador, à la poursuite
d'un mythe, ne pouvait que fasciner l'écrivain autrichien,
gentilhomme du Royaume des Lettres, contraint lui-même à
l'errance en terre américaine. Que, de surcroît, Don Gonzalo
Jiménez de Quesada ait pu servir de «miroir» à Don Quichotte,
«Le Chevalier à la triste figure», était une hypothèse séduisante,
digne à ses yeux d'être prise en considération.
C'est à Germán Arciniegas, jeune diplomate colombien et
écrivain déjà confirmé, que revint le privilège d'initier Stefan
Zweig à cette filiation supposée et de parfaire sa connaissance
d'un monde qui l'intriguait : l'Amérique latine. Ce fut la naissance
d'une amitié. La correspondance qu'ils échangèrent durant un an
et demi révèle toutefois que la magie du Nouveau Monde n'est
pas, hélas, parvenue à consoler Stefan Zweig de la perte du
Monde d'hier auquel il demeurait indéfectiblement attaché.