Rares sont ceux qui contestent encore les conséquences néfastes des méthodes de travail généralisées au sein des entreprises depuis les années 1990, notamment de l'évaluation individuelle des performances. La mise en concurrence sans limite entre salariés et la solitude qu'elle engendre font souffrir, parfois jusqu'à la mort : la multiplication des suicides en est devenue le sinistre symptôme. Mais ce constat s'accompagne bien souvent d'un certain fatalisme, qui fait comme un écho aux mots de Margaret Thatcher, « il n'y a pas d'alternative ».
Ce livre, fondé sur diverses enquêtes de terrain, s'inscrit en faux. Si les dérives sont graves et se retrouvent aussi bien dans un service de réanimation de l'hôpital public que dans une société commerciale de vente par téléphone, d'autres entreprises se sont montrées capables de mettre en place une nouvelle organisation du travail et d'en recueillir les gains, sur le plan de la santé comme de la productivité. Une étape a été franchie. Nous avons le choix : maintenir des méthodes gestionnaires qui détruisent les êtres humains et avec eux, une partie de la valeur, ou reconnaître la place essentielle de la subjectivité dans les activités de production, en particulier dans les services, et répondre, d'un même geste, à la souffrance psychique et à la crise économique.