Nicolas de Cues (1401-1464), dans le De pace fidei, écrit l'année de
la chute de Constantinople en 1453, avait souligné le danger de faire
un usage politique de la religion. Une telle confusion du spirituel et
du temporel, du religieux et du politique, se retourne et contre la
religion et contre la politique, la religion en se donnant une mission
temporelle et la politique en sombrant dans la mystique.
La Cribratio Alchorani est rédigée en 1461. Le contexte est politique
plus que religieux. Le danger d'une invasion de l'Europe par les
Musulmans était d'autant plus grand que l'Occident était divisé
contre lui-même. Les États nationaux naissants étaient plus intéressés
à renforcer leur pouvoir qu'à penser à la menace turque. Les Européens
optèrent ainsi en faveur de Mohamed II, plutôt que de suivre
le Pape.
Le philosophe mosellan comprit qu'il s'agissait d'un problème de
civilisation et non de société. Au lieu de prendre les armes, il prit
la plume. Il lut et étudia le Coran et toutes les oeuvres qu'il put se
procurer sur le sujet, et que Pie II lui avait demande de rassembler
en vue de sa lettre au Sultan. Il en sortit la Cribratio Alchorani.
Dans cette oeuvre, le Cusain se situe d'emblée sur le plan spirituel et
théologique. Il déplace le problème : allant à l'essentiel, il prend le
parti de faire une «pia interpretatio» du Coran, qu'il lit à la lumière
de la Bible et de la raison. Sa lecture est religieuse et philosophieo-théologique.
Elle s'appuie sur la «recherche de Dieu» propre à tous
les hommes et seule capable d'unir chrétiens et musulmans.