L'originalité de la pensée d'Eric Weil tient
à sa manière singulière d'articuler la
cohérence de la raison systématique
avec les risques de l'existence libre et la finitude
de la condition historique. Francis Guibal
l'aborde ici par son versant résolument pratique,
qui fait d'elle, dans le sillage de Kant, une
philosophie du monde et pour le monde.
Soucieux d'initiation pédagogique, l'auteur
commence par mettre l'accent sur l'élan moral
d'une orientation qui ne porte la subjectivité
agissante vers l'universel de la loi qu'à partir et
à l'intérieur du concret de la vie particulière. Vertu et devoir s'y trouvent
donc invités à l'excellence d'une réconciliation où la prudence joue un rôle
central et où l'inspiration du jugement éthique ne se sépare pas de sa
juste institution sociale.
En résulte une compréhension de l'espace politique qui se refuse aux
réductions positives (Max Weber) comme aux abstractions existentielles
(Martin Heidegger). Ressaisie dans ses structures fondamentales et son
historicité radicale, l'effectivité de l'agir invite les sujets humains à une
participation civique qui s'ouvre finalement aux dimensions du monde, la
responsabilité raisonnable s'y avérant irréductible tant au cynisme
immanentiste (Alexandre Kojève) qu'au conservatisme métaphysique
(Léo Strauss).
Dans une fidélité sans servilité, les analyses ici menées nous aident à
prendre la mesure encore actuelle de ce courage de la raison, d'une
raison dont le jugement s'expose à l'épreuve de la violence mondaine et
historique.