Le courage est une valeur en hausse. L'opinion publique, qui a fait des pompiers de New York ses héros, multiplie les hommages aux secouristes, urgentistes, médecins, policiers. Au cinéma et à la télévision, elle plébiscite les scénarios guerriers. Les arts martiaux et les sports à risque connaissent une grande vogue, tandis que, dans les banlieues, une éthique de la force se répand. Toutes les formes de courage sont exaltées, depuis la politique jusqu'à la sphère du "relationnel", où il s'agit de s'affirmer, d'affronter le jugement d'autrui, d'oser exprimer ses sentiments.
Nous nous remettons à aimer le courage car il donne accès à une vie intense et satisfait notre désir de reconnaissance et d'honneur. Nous savons aussi que, dans le monde chaotique qui se prépare, il faudra impérativement vaincre sa peur, se défendre, se battre. La force d'âme sera la condition de la survie. Mais la vertu du courage peut aussi être dangereuse. Quand on l'invoque, la violence et l'esprit belliqueux ne sont jamais très loin. Dès lors, au moment où le courage est célébré, une fatalité le condamne-t-elle à se pervertir?