Rétabli.
J'habite maintenant une chambre d'immeuble, dans
une tour étrangement calme, à la périphérie. Et je me
dis que ma vie nouvelle a commencé, dans cette
chambre silencieuse et sommairement meublée.
Pas longtemps seul.
Sauvage ne dit plus rien, il m'observe tranquillement, le
visage fermé : arrimé à son fauteuil, il écoute mon récit
avec une curiosité violente, péniblement contenue
sous l'échafaudage de patience et de politesse. Un animal
à sang froid, ai-je souvent pensé de lui, tout entier
dissimulé au-dedans de soi-même et distillant le
malaise par doses régulières, savamment calculées à
l'avance, ses lunettes noires opposant comme une fin
de non-recevoir à toute tentative de sonder sa pensée.
Je commence à comprendre.
Et je revois le fauteuil qui occupe tout à coup le devant
de la scène, et je pense au chemin parcouru par ce
fauteuil, et je me dis que le fauteuil de Sauvage est
parvenu bel et bien au terme de sa course sur le
chemin qui mène Sauvage à l'objet de sa curiosité.