Le lieutenant Bonnet, arrive à la Feuillade, ville de garnison, en même temps que le lieutenant Derodes. Bonnet est honnête, pauvre et travailleur, il fut major de sa promotion à Saint-Cyr tandis que Derodes était le « major de queue », c'est à dire le dernier de la promotion.
Bonnet eût été nommé seul, il n'y aurait pas eu de quoi écrire un roman, tout au plus un roman bourgeois. Mais Derodes, riche, insolent et dépravé, a été couché sur le même décret, et voilà la garnison révolutionnée. Bonnet se retrouve obligé de se mettre malgré lui en vedette, de se faire le champion de l'innocence outragée, comme on disait jadis, et de débarrasser le régiment et la ville de Derodes, par un coup d'épée bien appliqué et surtout bien mérité.
La fable qui se déroule sous la plume d'Hector Malot, à travers mille péripéties intéressantes, émouvantes même parfois, fait pénétrer dans un intérieur qui ne semblait point fait pour servir de théâtre aux exploits ordinaires d'un vaniteux débauché, égaré sous l'uniforme. Maintenant, comment se fait-il qu'une jeune fille de bon ton en arrive à céder à un caprice de ce Derodes, et comment un tel malheur devient-il justement pour le lieutenant Bonnet la cause déterminante d'un bonheur que sa main n'osait pas atteindre ? C'est ce que nous ne saurions révéler sans gâter le plaisir que ne peut manquer de procurer la lecture d'un livre dont pas une page ne doit être sautée.
Ce qui plaît dans ce roman, c'est qu'il ne plaide aucune thèse, et qu'il n'a point la prétention d'être un document pas même un document militaire. Le roman de ce maître peintre de mœurs et de caractères dont aucune modernité a ne vient déparer le style, n'a pas besoin d'être présenté longuement au public; il suffit de l'annoncer.
Présentation inspirée du Journal des débats – 21 décembre 1885