Le phoque de Flaubert
Pourquoi Flaubert s'est-il entiché d'un phoque ? D'un phoque de foire, pataugeant dans un fourgon stationné à Rennes. Ce 17 juillet 1847, la rencontre avec l'animal va devenir la page finale et exemplaire de Par les champs et par les grèves, le récit de voyage que Gustave écrit avec son ami Maxime Du Camp au retour d'un périple de trois mois à travers la Bretagne.
Dans ce phoque étrange et mélancolique, ce phoque savant à qui l'on fait ânonner « papa maman », se rejoignent deux passions de Flaubert : celle des saltimbanques et celle de la zoologie. Lui qui clame son envie « de devenir phoque » et rêve d'écrire une fantaisie intitulée « Le phoque par amour », on l'entend presque murmurer « Le phoque, c'est moi ! »
Ce livre est une enquête menée sur les traces du phoque : qui était vraiment, cet amphibie rennais ? D'où venait-il ? Où allait-il ? Nous découvrons alors l'incroyable « phocomanie » qui s'est emparée des Français à la fin de la monarchie de juillet. Tandis que, de leur côté, les savants tentaient de domestiquer l'animal pour le transformer en « chien de pêche ».
À cette époque, le phoque se fit littérature, se glissant dans les oeuvres d'Eugène Sue, Nerval, Michelet et Vallès, tous fascinés par l'amphibie. Comme Flaubert ils auraient pu vadrouiller sur les chemins de Bretagne en quête de spectacles forains : moutons à cinq pattes, combats d'ours ou danseuse de corde.
Son périple champêtre est aussi l'occasion d'une rencontre amicale avec la foule enchantée des animaux dans leur milieu naturel. Par les champs et par les grèves dessine au fil des pas un tendre bestiaire, voire un plaidoyer « animaliste ». Celui d'un jeune homme de vingt-cinq ans qui se rêve en animal. Pourquoi pas en phoque.