«Je, soussigné Vénus, cinquante-cinq ans, né le 25 avril
1947...» Félix Fayard, dit Vénus, retrace le récit de sa vie
sur trois cahiers sauvés de la poubelle. Dans cet almanach
buissonnier se croisent et se bousculent les figures de sa mère
Lucie, fille de meunier, et de Driss Ben Shaab, ce Père Non
Connu. L'image de la jarre enfouie où il se réfugiait enfant,
et le souvenir d'un chien tueur. Ses Leçons de Voyouterie
à Paris puis en Afrique, et les années de prison qui en
découlent. Ses Gamberges sur l'Être initiées à l'hôpital
psychiatrique où sa mère l'a fait interner, et ses conversations
avec le Mouvementeur, ce peintre qui l'enjoint de suivre ses
impulsions de gribouilleur...
Devenu Artiste Général, le soussigné a conçu près de cinq
mille pièces, qu'il expose dans sa galerie L'Amusée, avant que
le progrès et ses hydrorapaces ne le chassent pour toujours
du moulin de son enfance. Squattant dès lors une tannerie
désaffectée sur les berges de l'Ire, il organise sa survie en
marge d'un monde qui semble vouloir sa disparition. Rares
sont ceux à visiter cet ermite tenu pour fou, voire dangereux,
qui, revenu des fureurs du baroud, de la tentation de la
folie et des affres de l'amour, n'aspire qu'à «rentrer à la
maison»...
Cette geste drolatique d'un «oeuvrier», nourrie des
affinités d'Enzo Cormann avec l'art brut, restitue à un
«homme de peu» sa grandeur déniée et lui donne acte de son
échappée belle.