« Rien ne suggère davantage l'insignifiance des hommes qu'une nuit passée à la belle étoile comme en connaissent les bergers. Quand la nuit tombe dans les endroits où l'être humain pullule, le vacarme du labeur quotidien fait place au ronron du foyer. L'activité marque une pause parce que l'homme en a décidé ainsi. Il semblerait même que la nuit lui obéisse comme un domestique consciencieux et se présente à lui le sommeil au creux du bras sur simple convocation. Mais dans la nature, la nuit avance comme mue par une force inexorable qui ne connaît pas le repos et dont il est vain de chercher l'origine. »
Avec Le Troupeau, paru en 1906 et jamais traduit en français jusqu'à ce jour, Mary Hunter Austin (1868-1934), amie de Jack London, signe un grand récit poético-ethnologique. Elle y décrit un métier d'hommes pratiqué par des étrangers au cuir tanné (souvent Alpins et Pyrénéens), aux dialectes et aux manières déroulantes, des hommes à pied dans un pays où l'on vénère les hommes à cheval : les derniers bergers de Californie qui, à l'approche de l'été, mènent leurs troupeaux vers les hauts plateaux de la Sierra Nevada.