Tullio De Mauro (1932-2017) a sans doute été le plus grand linguiste italien de son temps. Professeur à La Sapienza de Rome, auteur d'ouvrages savants (édition critique du Cours de linguistique générale de Saussure, thèse sur Wittgenstein, direction du Grande Dizionario Italiano dell'Uso en huit volumes...) et de vulgarisation (La langue bat où la dent fait mal, avec Andrea Camilleri), il a aussi été ministre de la Pubblica Istruzione. Tout le temps de sa vie, Tullio De Mauro l'aura passé dans l'étude des langues de l'Italie. Storia linguistica dell'Italia unita (1861-1946) et Storia linguistica dell'Italia repubblicana (de 1946 à nos jours) montrent comment cette nation est issue d une langue commune -l'italien, avec le toscan littéraire pour base - sans pour autant renier ses dialectes.
L'educazione linguistica democratica (paru chez Laterza en 2018) dont c est ici la traduction française réunit ses principaux textes de politique linguistique. La thèse en est qu'une démocratie ne doit jamais rompre le fil entre la langue de la piazza (la langue populaire, le dialecte) et celle du palazzo (du palais), cette langue du pouvoir que le citoyen ne peut ignorer s'il souhaite se mêler des affaires publiques. C'est pourquoi le dialecte porteur d'identité et l'italien standard porteur de citoyenneté doivent peser d'un poids égal à l'école.