Au principe de ce livre, un fait juridique dans l'histoire de l'Occident :
le pirate est le prototype de «l'ennemi de l'humanité».
Longtemps avant les droits de l'homme, les organisations humanitaires,
la codification moderne du droit international, les hommes d'État de
la Rome antique voyaient en lui L'Ennemi de tous. Comme le souligne
Cicéron, il existe des adversaires avec lesquels un État de droit peut faire
des guerres, signer des traités et, si les circonstances le permettent, cesser
les hostilités. Ce sont les justes belligérants de l'autre camp qui,
égaux des combattants de la puissance publique, peuvent prétendre à
certains droits. Mais il y a aussi un autre type d'ennemi : un adversaire
injuste, indigne de tels droits. C'est le pirate, que Cicéron appelle «l'ennemi
commun à tous».
Daniel Heller-Roazen établit la généalogie de l'idée de piraterie, cernant
les diverses conditions juridiques, politiques et philosophiques de sa
conception. De la cité antique au monde contemporain, une continuité
se constate : le pirate s'impose comme l'adversaire illégitime par excellence,
un antagoniste indigne de tous ces droits que l'on accorde aux
combattants reconnus. D'où le statut particulier que revêtent les opérations
militaires menées contre de tels ennemis universels. Qu'elles visent
des bandits ou des barbares, des partisans ou des terroristes, ces guerres
ne respectent pas les règles d'affrontement politique et policier.
Ce livre permet de comprendre comment l'«ennemi de tous», souvent
imaginé dans un lointain passé, est devenu une figure cruciale de notre
présent.