Au XIXe siècle, la pédagogie et les vertus satiriques de l'utopie,
codifiée avant la Révolution, demeurent actives. Elle porte
dans ses avatars sérieux et burlesques la trace d'une antique
tradition, dont les métamorphoses se poursuivent grâce aux
religions du progrès, à l'essor de la science, de l'industrie et de
la presse. Relèvent de l'utopie bien des textes négligés d'ordinaire,
voyages dans le temps et dans l'espace, mais aussi
romans, écrits prophétiques, satiriques. Non dénuées, pour la
plupart, de fantaisie, ces fictions politiques proposent une
réponse aux crises et aux évolutions sociales. Elles témoignent
d'une extrême attention aux problèmes concrets, d'une forte
sensibilité à l'histoire et d'une impérieuse volonté d'action.
Elles servent de truchement aux programmes libéraux, contre-révolutionnaires,
républicains, au césarisme, au communisme
icarien, aux nouvelles doctrines sociales. Elles se font outils de
propagande et, parfois, marchepieds des ambitions. Cette diversité
traduit tous les possibles politiques d'une modernité en
gestation, ballottée entre mouvement et réaction.