La notion d'autorité est devenue aujourd'hui un mystère qui semble
de nature à éclairer les enjeux contemporains de la transmission,
et, plus largement, du lien social lui-même. Si Hannah Arendt a pu
écrire que « l'autorité a disparu du monde moderne », c'est
qu'aujourd'hui l'autorité a perdu l'évidence et la légitimité qui
étaient les siennes. La notion génère le conflit. Elle suscite les
« pro » et les « anti ». Certains souhaiteraient un retour au monde
d'« avant », plus rassurant, où les parents et les éducateurs
savaient se faire obéir. D'autres défendent notre liberté chèrement
gagnée sur les anciens pouvoirs.
N'en restons pas cependant à cette chorégraphie conflictuelle sans
intérêt autour de l'obéissance et de la liberté, et tentons d'examiner
ce que cache le mystère. Il est l'énigme d'un monde, pour partie
disparu, qui consolidait ses « assises » à travers la force agissante
de l'autorité. L'autorité serait alors le nom de ce qui tenait le monde...
Le monde est-il aujourd'hui, justement, bien « tenu » ? L'a-t-il d'ailleurs
jamais été ? Comment se noue le lien humain, et subsistent les
institutions, quand chacun doit porter, d'une manière beaucoup
plus solitaire, sa stratégie relationnelle et le sens de sa vie ?