Incapable de vaincre militairement la Grande-Bretagne sur les mers, Napoléon 1er recourt à la guerre économique sur le continent. Pour ce faire, il envisage une fermeture totale du marché européen aux produits britanniques. Les interdictions commerciales françaises et les mesures de représailles anglaises représentaient une grave menace pour les négociants des villes portuaires de l’Empire napoléonien. Par conséquent, ceux-ci s’efforcent de contrecarrer la législation prohibitive du Blocus continental par tous les moyens possibles. L’analyse des réactions du négoce de Bordeaux, Hambourg et Livourne démontre que le recours aux navires neutres, la déviation des routes commerciales, la corruption et la contrebande sont des armes puissantes qui rendent largement inefficaces les tentatives du régime d’interdire les relations commerciales entre la Grande-Bretagne et l’Europe. L’étude comparée des trois villes permet de constater que cette incapacité du régime napoléonien à appliquer efficacement sa politique commerciale n’est pas une défaillance locale, occasionnelle, due à une conjoncture particulière, mais plutôt une donnée structurelle qui s’explique par des faiblesses internes à toute son administration, et par l’existence de cet adversaire redoutable qu’est le négoce, avec ses intérêts souvent opposés à ceux du régime, et dont les logiques et les horizons internationaux ne pouvaient pas se plier à une optique nationale et étatique.