Depuis un demi-siècle, les recherches scientifiques ont mis en évidence l’inégalité des performances scolaires en fonction de l’origine sociale des élèves. Ce fait (trop ?) bien connu semble avoir perdu de son intérêt depuis 1980, période à laquelle l’objet sociologique des classes populaires est tombé en désuétude, alors même que l’inégalité des chances d’accès au capital scolaire se reproduisait avec une inertie étonnante. La présente étude se met volontairement à contre courant et tente de retourner à des questions théoriques bien connues par des approches méthodologiques et empiriques renouvelées. S’appuyant sur une quarantaine d’entretiens réalisés avec des parents de milieux populaires ainsi que des observations en milieu scolaire, cet ouvrage entend mettre en lumière certains traits contemporains de la culture des classes populaires qui se trouve (mise) à distance de nombreux attendus de la culture scolaire légitime. Après avoir explicité les effets de classification et de normalisation qu’exerce l’institution scolaire à l’encontre des familles populaires, l’étude se penche sur des dimensions clefs de leur existence. Elle met en évidence les espérances sans grand espoir placées désormais par les parents en l’école ; leur suivi souvent modeste et « honteux » des devoirs ; le repli familial sur le foyer avec, en son centre, la télévision, objet d’usages hédonistes ; ou encore l’attitude ambivalente mêlée de confiance et de méfiance à l’égard des enseignantes qui appartiennent à un monde bien souvent encore perçu comme « étrange » et « étranger ». En montrant comment ces dernières décennies, conséquence de la massification scolaire, les catégories populaires se sont appropriées les enjeux scolaires mais de manière « partielle », ce livre contribue à rendre intelligible les forces d’inerties sociales en jeu dans un monde social qui demeure hiérarchisé, organisé et travaillé par des clivages de classes.