Quoique le peuple français soit doué d’une puissance d’assimilation qui manque aux autres européens, l’œuvre de son unité ne s’est opérée qu’au prix des plus cruels déchirements. En venant se fondre dans le creuset où les jetèrent le sort des batailles et le hasard des successions princières, nos provinces ont supporté des souffrances dédaignées par l’histoire, comme le sont toujours les souffrances des vaincus. On peut admirer le travail séculaire accompli par la royauté capétienne entre le Rhin, les Alpes et les Pyrénées, tout en éprouvant pour ces douleurs ignorées de profondes sympathies. Celles-ci sont plus naturelles encore chez l’écrivain lorsqu’il appartient à une contrée qui avait fait, le jour où elle s’est spontanément réunie à la France, la réserve formelle de ses principaux droits politiques et de sa législation civile tout entière.
Entre toutes les provinces de la monarchie, la Bretagne seule pouvait se prévaloir d’un pareil titre. A partir du règne de François Ier, à l’heure même où le pouvoir absolu poussait ses plus profondes racines sur tout le territoire, la péninsule armoricaine substituait à la souveraineté toute viagère des héritiers directs de la reine-duchesse une union perpétuelle dont les conditions, nullement susceptibles de controverse, avaient été arrêtées de concert entre les représentants du peuple breton et les mandataires de la couronne. Ce fut ainsi qu’au milieu de l’incertitude de tous les principes et de tous les droits, caractère dominant de l’ancien régime, la Bretagne se trouva en mesure de rappeler presque tous les jours les termes précis d’un engagement bilatéral renouvelé de règne en règne par les princes qui l’ont le plus audacieusement violé...
Une histoire la Bretagne.