Quand l'éditeur National Geographic a demandé à des écrivains réputés un « livre de voyage » voué à leur lieu de prédilection, le poète William S. Merwin a choisi Ventadour, étrange domaine poétique dont la célébrité mondiale demeure retentissante, alors qu'au fond de la montagne limousine les décombres de son château paraissent depuis deux siècles s'ébouler indéfiniment. Trois raisons à cela. La première est dans la visite que le poète de dix-huit ans rendit à Ezra Pound dans sa chambre d'hôpital à Washington pour s'entendre conseiller l'étude et la traduction de la lyrique médiévale, en particulier dans la langue que l'on disait alors « provençale », l'occitan des troubadours. La seconde provient du hasard, pas si inconséquent, qui amena William S. Merwin en Europe et lui fit dépenser ses trois sous d'héritage pour acheter une maison sur le Causse quercynois, en pleine terre des troubadours. La troisième est l'immense curiosité de William S. Merwin pour ce mystère esthétique que fut l'éclosion de la veine lyrique du trobar (poème et musique) au XIIe siècle occitan, d'où procède finalement l'ensemble de notre tradition poétique et musicale en Occident. C'est ainsi que ce « livre de voyage » est devenu récit d'apprentissage.
En attendant de mieux connaître dans toutes ses dimensions la grande oeuvre de William S. Merwin, déjà introduite en français par le cycle poétique de La Renarde, ce livre nous paraît être un excellent guide vers des richesses quasi ignorées, dont on découvrira qu'elles sont au coeur de notre tradition.