Le titre donné par Sorel au recueil d'articles publiés dans le Mouvement
socialiste, il y a un siècle, pourrait induire en erreur. Les Illusions du
progrès ne constituent pas une dénonciation du progrès technique, mais la
remise en cause d'une idéologie qui trouve son origine au XVIIe siècle avec
la pensée cartésienne, pour s'affirmer au siècle suivant comme idéologie
de la bourgeoisie, à travers l'Encyclopédie de Condorcet.
Mais conquérante, puis dominante, la bourgeoisie n'a plus qu'une
ambition : se maintenir au pouvoir, et l'idéologie du progrès y contribue en
pénétrant l'ensemble de la société. Cette idéologie a un principe : trouver
des explications simples permettant de «résoudre toutes les difficultés que
présente la vie quotidienne».
Dès lors, le progrès n'apparaît pas «comme l'accumulation de savoirs
mais dans l'ornement de l'Esprit qui, débarrassé des préjugés, sûr de
lui même et confiant dans l'avenir, s'est fait une philosophie assurant le
bonheur à tous les gens qui possèdent les moyens de vivre largement».
Et doit-on ajouter, de tous les autres qui se laissent abuser. C'est cette
philosophie illusoire du progrès que Sorel se propose de dévoiler pour
mieux la combattre.