Systématiquement cité par les auteurs par opposition au concept d'incapacité
d'exercice, le concept d'incapacité de jouissance est inconnu du législateur et du juge
français. L'incapacité de jouissance est une pure construction de la doctrine. Mais,
étonnamment, les auteurs n'exploitent guère plus cette notion que ne le font le
législateur et la jurisprudence. Uniquement mentionnée dans les manuels de droit, elle
ne fait l'objet d'aucun développement approfondi.
Ce paradoxe s'explique doublement. D'une part, l'intérêt théorique ayant justifié
l'apparition de cette notion dans le discours doctrinal n'est plus d'actualité. Il n'est, en
effet, plus nécessaire de se référer aux incapacités de jouissance pour comprendre que
les mineurs et les majeurs protégés sont de véritables personnes. D'autre part, l'absence
de critères définis et de conséquences juridiques spécifiques attachées à cette notion ne
favorise pas l'identification des incapacités de jouissance et ne permet pas de déduire
de cette qualification un régime juridique particulier. La construction doctrinale unitaire
de la notion est donc aujourd'hui largement inappropriée (Première Partie).
La présentation traditionnelle doit laisser place à une approche dualiste plus conforme
au réel contenu des incapacités de jouissance. Celles-ci se présentent, en effet, tantôt
comme des règles protectrices de la personne contractante, très proches du mécanisme
des incapacités d'exercice, tantôt comme de simples règles intéressant l'ordre public
et protégeant l'intérêt général. Seules les premières méritent, en réalité, le nom
d'incapacités (Seconde Partie).