Les incommunications européennes
En 1957, le traité de Rome donnait naissance à la Communauté économique européenne. Soixante ans plus tard et après six vagues d'élargissement, l'Union européenne compte désormais 510 millions de citoyens, répartis dans 28 pays. Mais institutions et géographie se superposent sans toujours s'articuler, et les Européens ont souvent des visions différentes du monde, des frontières, de la politique, de leur destin.
Ces situations d'incommunication se produisent parce qu'il existe un fonds commun : l'accord implicite des peuples sur l'existence d'une identité européenne et sur la grandeur du projet. L'europhobie actuelle n'est pas majoritaire et ne remet pas en cause structurellement l'utopie européenne. Trois incommunications coexistent : 1) au sein des 28 ; 2) entre les Européens de l'Ouest et l'Europe centrale et orientale ; 3) entre l'Europe et sa façade sud. Leur examen montre à la fois la distance entre les Européens et ce qui les rapproche.
Pourquoi la plus grande utopie politique, économique, culturelle de l'histoire du monde n'est-elle pas plus valorisée par les Européens eux-mêmes ? Pourquoi, malgré leurs différences, ne sont-ils pas plus fiers du travail accompli et de l'exemple que représente l'Europe pour le reste du monde ? Le projet européen ne signifie pas l'imposition d'un consensus, l'injonction d'une européanité subie. Il implique au contraire l'acceptation de l'autre, sa reconnaissance et la discussion. En un mot, la négociation, qui est au coeur de la communication politique et des objectifs de la revue Hermès. Le présent numéro propose de mieux comprendre ces incommunications européennes, d'en explorer les sources et de contribuer à promouvoir ce modèle de communication si unique dans l'histoire du monde.