Comment un mère peut-elle être trop bonne ?
Interroger et remettre en cause le mythe sacro-saint de la mère admirable n'allait pas de soi, mais le propre de la psychanalyse n'est-il pas de bousculer les idées reçues ?
Or si l'observation nous montre qu'une mère qui donne tout, qui sacrifie tout pour son enfant sans rien demander en échange est absolument indispensable pour un nourrisson et pour un petit enfant, elle nous montre aussi que cette abnégation absolue doit s'amenuiser au fur et à mesure de la croissance de l'enfant sous peine de l'empêcher de développer en lui des qualités d'altruisme et de générosité.
D'un autre côté, si une mère humaine normale - tout comme une mère animale d'ailleurs - est prête à sacrifier jusqu'à sa vie pour son petit, nulle part on ne voit un animal devenu adulte se préoccuper du bien-être de ses parents vieillis ; cet amour, cette compassion ne font pas partie de l'inné en nous, mais ils sont un des acquis les plus précieux de l'humanité.
Il s'agit d'un apprentissage et si, faute de montrer peu à peu à son enfant que, contrairement au don sans réciprocité de la relation mère enfant, le mode de relation des adultes se fonde sur l'échange, une mère «admirable» ne devra pas s'étonner de voir ses enfants, devenus grands, ne lui manifester que peu d'attention.
La réciproque est d'ailleurs vraie, et on peut facilement constater que des mères exigeantes et peu affectueuses restent bien souvent passionnément aimées de leurs enfants, comme le montrent de nombreuses biographies dont deux, celle de Gisèle Halimi, Fritna, et celle de Georges Simenon, Lettre à ma mère, sont analysées.