Les procureurs sont-ils les acteurs professionnels d'une autorité judiciaire indépendante
ou les agents d'exécution des politiques publiques du pouvoir en place ? Ces magistrats
sont placés au centre du système pénal et, dès lors, au coeur des débats quant à
son fonctionnement et son indépendance. Le «parquet» occupe ainsi une position
stratégique dans le cadre des réformes de la procédure pénale qui sont régulièrement
à l'ordre du jour du gouvernement français, à l'heure où il est question de supprimer
la fonction de juge d'instruction. Le présent ouvrage s'appuie sur les résultats
d'un programme de recherche d'envergure sur le métier de procureur de la République
(qui dirige le parquet de chaque tribunal). Il pénètre de la sorte dans la boîte noire
de son travail, de ses difficultés, de ses évolutions, de la manière dont sont conduites
les «politiques pénales» et de son lien toujours incertain avec le pouvoir exécutif dont
il dépend hiérarchiquement. Derrière l'image d'Épinal d'un procureur animé par la seule
logique d'une répression accrue et soumis à la tutelle du politique se profilent en réalité
des enjeux plus complexes tels ceux des réponses aux flux croissants de dossiers, de
la gestion des moyens et des hommes, du lien avec les dispositifs des politiques locales
ou des relations avec la police judiciaire. Quant à la question de l'autonomie, elle répond
à des logiques plus subtiles et mouvantes qu'un regard furtif ne laisserait penser.
Aussi les carrières de ces magistrats, la matière de leur travail quotidien, leurs prises
de position professionnelles et leurs stratégies collectives sont saisies par les outils
méthodologiques de la sociologie des compétences professionnelles et de la
psychologie du travail. En outre, deux chapitres envisagent la réalité du fonctionnement
institutionnel et professionnel des parquets de quelques pays proches de la France
(Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Hollande), permettant de mettre en perspective
les enjeux propres à la France en la matière.