«J'ai fait un rêve fou, je ne m'en sortirai donc jamais !» Certains rêves effrayent le rêveur, surtout lorsqu'ils lui font vivre à nouveau des angoisses liées à des conflits ou à des symptômes surmontés en cours de psychanalyse. Il croit alors à une rechute : «Je pensais être libérée de ma claustrophobie, me dit une patiente, et je rêve qu'on m'enferme à vie dans une prison ! N'en serai-je jamais débarrassée ?» Pourtant, au regard du psychanalyste, de tels rêves sont souvent le signe d'un progrès, parce que le patient, au lieu d'avoir un conflit ou un symptôme, a pu en rêver. De plus, ces rêves exercent un impact inhabituel, car ils révèlent avec une clarté et une cohérence inattendues la structure des fantasmes inconscients à la source de la problématique du rêveur, dont ils livrent des clés pour la résoudre. C'est pourquoi l'auteur les appelle les rêves qui tournent une page.
Cette étude originale a une grande portée, surtout sur le plan clinique. Elle met en lumière la nécessité de compléter l'approche classique de l'interprétation des rêves, essentiellement fondée sur l'analyse des contenus refoulés, par des apports contemporains impliquant les notions de déni, de clivage et d'intégration dans la formation des rêves. Aujourd'hui, la fonction du rêve s'avère déficiente chez de nombreux patients, du fait de défenses primitives. Aussi, avant d'en analyser les contenus refoulés, il s'agit d'interpréter la fonction exercée par le rêve au cours de la séance afin de la rétablir. Alors seulement, lorsque le moi aura retrouvé un degré suffisant de cohésion et d'unité, le rêveur pourra accéder au sens symbolique des contenus oniriques refoulés.