L'été de « La Tempête »
J'entendis le rire de Lucy dans la brume. Cela semblait venir de la rivière... Je rampai aussi silencieusement que je pus vers les bateaux rassemblés le long du petit quai de bois. Une sorte d'intimité dans son rire, une sorte de relâchement profond ont dû me signaler que c'était l'inflexion du ravissement amoureux... Je m'approchai autant que je l'osai et vis deux êtres entrelacés.
Ils s'embrassaient, je les regardai un moment. Peut-être que je voulais savoir à quoi ressemblait Lucy quand elle était heureuse - et pourquoi elle était avec Kim et pas avec moi.
On est à Stratford-upon-Avon, où se joue au Shakespeare Theater une nouvelle production de La Tempête, dans une brillante mise en scène de Harry Greenberg, qui a fui autrefois l'Afrique du Sud. Son jeune assistant, Thomas, est amoureux de l'inconstante Lucy, qui joue Miranda. Mais elle lui préfère l'étrange et charmant Kim, à son grand désespoir.
Au fil du chassé-croisé des amours qui se nouent et se dénouent cet été-là, la frontière ne sera pas toujours nette entre le théâtre et la vie, la vie et le théâtre. Qui joue quoi ? Qui ne joue pas ? Jusqu'au jour où du passé de Harry surgiront deux femmes, l'une qu'il ne voulait plus voir et l'autre qu'il n'aurait jamais dû connaître - et cette fois, ce ne sera pas du théâtre.
L'une des plus brillantes et des plus prometteuses plumes d'Afrique du Sud, Craig Higginson est également directeur du Market Theater de Johannesburg. Le Mercure de France a publié en 2016 son roman Maison de rêve, très admiré par André Brink et Nadine Gordimer.